- COLOGNE (ÉCOLE DE)
- COLOGNE (ÉCOLE DE)COLOGNE ÉCOLE DELes antécédents de l’école de Cologne sont à rechercher dans la peinture romane, mais aussi dans l’orfèvrerie et dans le vitrail produits dans la région située entre Rhin et Meuse. Elle ne prend cependant sa physionomie véritable qu’à l’orée du XIVe siècle, au moment où Cologne, ville archiépiscopale de la Hanse, riche de ses 40 000 habitants et de son négoce, tire le plus vaste parti de sa situation sur le Rhin.Le chœur du dôme venait d’être achevé; il montre des réminiscences de la cathédrale d’Amiens et de celle de Strasbourg, et jusqu’aux approches de la Renaissance, la peinture colonaise se soumettra à l’économie de l’architecture gothique. Dotée d’innombrables églises et de couvents, placée sur les bords de cette Pfaffengasse, ou route des Clercs, que fut le fleuve, Cologne se nourrit aux sources de la mystique. Sa peinture demeurera longtemps et profondément imprégnée.La peinture murale, exécutée, vers 1322, au-dessus des stalles du chœur du Dôme constitue la plus ancienne œuvre conservée. Un dispositif d’arcatures finement moulurées et couronnées de baldaquins où alternent toitures en bâtière et en pyramide abrite des théories d’évêques, de rois, d’empereurs auxquelles se superposent des scènes de la vie de la Vierge, des saints, des apôtres, du pape Sylvestre, de l’empereur Constantin et de sainte Hélène. Les personnages étirés, au drapé souple, témoins de ce lyrisme élégant qui caractérise également les statues d’apôtres dressées aux piliers du chœur ne montrent rien du goût pour l’expression que l’art flamand suscitera au cours du siècle suivant.Le retable du couvent de Sainte-Claire (aujourd’hui au dôme) participe, près d’un demi-siècle plus tard, de cette même inspiration formelle et spirituelle: registres superposés de saints et de scènes de la vie du Christ, sur des fonds d’ornements floraux, disposés en quinconce comme dans le vitrail. Au même moment, vers 1360, l’hôtel de ville offrait l’ensemble de la «salle de la Hanse », de conception analogue, où des arcatures peintes abritaient des alignements de sages de l’Antiquité, de scènes de genre et de drôleries (il n’en reste que des fragments).Jusqu’à la venue de Stephan Lochner au début du XVe siècle, la peinture colonaise se refuse à accueillir, comme le fit maître Bertram de Hambourg, les formes et les modes d’expression de l’école de Bohême. Tout en maintenant cet esprit d’élégance dépouillée et cet environnement architectural qui impose son principe d’abstraction, l’art colonais de la première moitié du XVe siècle bénéficie des recherches qui, dans les Pays-Bas des Van Eyck comme dans la Provence du Maître de la Pietà d’Avignon et dans le Rhin supérieur de Conrad Witz, tendent à maîtriser l’espace et à conférer aux êtres et aux choses une corporéité nouvelle.La Cologne de ce temps est dominée par la personnalité de Stephan Lochner (1410 env.-1451) qui, originaire de Meersburg près de Constance et formé en haute Rhénanie, s’établit dans cette ville pour la dernière décennie de sa vie. De Fra Angelico il a l’imagerie colorée, du Maître du Paradiesgärtlein de Francfort, haut-rhénan comme lui, la suavité rêveuse et poétique, mais bien que sa touche soit moelleuse, il adopte les draperies brisées, cet héritage flamand qui l’apparente aux Limbourg et au Maître de Flémalle. Rares, ses œuvres les plus remarquables sont: le Triptyque de L’Adoration des mages (dôme), pour la chapelle du Conseil, la Vierge au buisson de roses (Wallraf-Richartz Museum, Cologne) et, réparti aujourd’hui entre les villes de Cologne, de Francfort et de Munich, le Retable du Jugement dernier .Moins que Lochner assurément le Maître de la Vie de Marie (1460-1480/90) se dégage de la tradition d’élégance qui favorise l’allongement des figures et l’esprit ascétique conforme à l’architecture de l’époque. Mais il accuse plus que lui l’influence de l’art flamand, celui, en particulier, d’un Dirk Bouts et d’un Rogier van der Weyden. Lyrisme colonais et réalisme flamand se manifestent dans le Retable de la Vie de la Vierge que se répartissent les musées de Munich et de Londres, et dans le panneau de La Vierge à l’Enfant entre les saintes Colombe et Catherine (musée du Louvre). Des suiveurs abâtardissent sa manière, tel ce Maître de la Passion de Lyversberg qu’illustrent la Vierge en gloire parmi les apôtres , env. 1470, au Louvre, la Vierge au croissant de lune de Bamberg et le Polyptyque de saint Bruno , pour la chartreuse de Cologne.Avec l’œuvre du Maître de saint Barthélemy, l’empreinte néerlandaise s’accentue encore, due à l’origine de ce peintre devenu colonais vers 1480. L’amour du détail réaliste et somptueux, le pathétique de la vérité charnelle et le maniérisme du sentiment suscitent, dans la monumentalité, une atmosphère dramatique. Le Retable de saint Barthélemy , provenant de Sainte-Colombe, à Cologne; celui de la Vierge, dispersé (Adoration des mages à Munich, Mort de la Vierge à Berlin, Nativité et Descente de Croix , si dépendante de Rogier Van der Weyden, à Paris) en sont l’illustration la plus marquante.Il semble qu’avant de s’ouvrir à la Renaissance, avec réserve, Cologne ait réuni dans l’œuvre du Maître de la Sainte Parenté toutes les données antérieures de son art. Cet auteur du retable de l’église Saint-Achatius fait preuve en effet du plus grand éclectisme; les éléments proprement colonais s’y amalgament à ceux de l’art flamand dans un chatoiement, un sens du décor, de grande qualité.Le Maître de Saint-Séverin prolonge quelque temps, par la monumentalité qu’il confère aussi au vitrail du dôme, l’art du Maître de la Sainte Parenté. Son inspiration s’adonne au bizarre — de grandes figures campées, aux tons sourds —, tendance que reprend le Maître de la Légende de sainte Ursule, mais dans un maniérisme plus affirmé, une mise en page plus impressionnante encore. Cette incursion de l’étrange n’est pas un trait de la Renaissance, mais bien l’ultime étape du monde médiéval.Le seul artiste de la Renaissance colonaise qui se signale à l’attention, Barthel Bruyn le Vieux (Wesel, 1493-Cologne, 1555), dans les portraits qui constituent la part la plus importante et la plus originale de son art, n’appréhende pas la figure humaine avec la fraîcheur charnelle d’un Cornelis de Vos, par exemple, bien qu’il soit élève de Van Cleve, mais avec une palette volontiers automnale, facteur d’intimisme, et avec un souci de réalisme attentif. Il peint également des retables pour les églises d’Essen et de Xanten. Son fils, Barthel Bruyn le Jeune (1530 env.-1608 env.), compte également parmi les portraitistes notables.Le support de l’art colonais étant essentiellement la tradition, le renouveau qui se manifeste partout ailleurs à l’aube des Temps modernes n’a guère atteint la grande métropole rhénane.
Encyclopédie Universelle. 2012.